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Page:Staël - Réflexions sur le procès de la Reine, 1793.pdf/16

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Dites, vous qui l’accusez, dites quel est le sang, quels sont les pleurs quelle a jamais fait couler ? Dans ces anciennes prisons que vous avez ouvertes, avez-vous trouvé une seule victime qui accusa Marie Antoinette de son sort ? Aucune Reine pendant le tems de sa toute puissance ne s’est vue calomniée aussi publiquement, et plus on étoit certain quelle ne vouloit point punir, plus on multiplioit les offenses, je vois qu’elle fut l’objet de traits sans nombre d’ingratitude de milliers de libelles, de procès révoltans et je cherche en vain la trace d’une action vengeresse. Il est donc vrai qu’elle n’a causé le malheur de personne, celle qui souffre ces tourmens inouis ! Il n’entre pas même de ressentiment dans les supplices qu’on lui fait éprouver ! Qu’est-il donc arrivé à l’homme pour abjurer ainsi tout sentiment d’humanité ? Comment renouvelle-t-il cette inépuisable fureur ? Quelle force ou quelle foiblesse donne à des passions factices cet ascendant terrible ?

Telle a été la conduite de la Reine tandis qu’elle régnoit, tandis que ses véritables sentimens ponvoient se satisfaire sans crainte, ce seroit bien assés je crois, pour repousser tous les soupçons dont on l’a environnée pendant la révolution, comment auroit-elle développé un caractère si diffé-