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les craindre. Ces motifs pourroient-on dire, ces motifs ne sont point la véritable cause du danger qui menace la Reine, mais son nom, mais son fils inspirent plus d’intérêt que le reste de la famille des Bourbons, plus de vœux se réuniroient autour d’elle, il faut donc se hâter de l’immoler, et sçavez-vous pourquoi cette auguste infortunée captive encore les cœurs Français, c’est parce qu’on est certain que ses sentimens ont été favorables à la vraie liberté, c’est parce qu’on a la preuve quelle s’est constamment opposée aux projets hostiles des Princes Français, et n’a voulu former aucune coalition avec eux, c’est parce que sa mort aideroit de plusieurs manieres ceux qui conçoivent l’espoir de vous asservir, c’est enfin parce qu’elle a plus de modération, et moins de ressentiment, parce qu’elle a reçu la leçon du malheur comme un ange et comme un philosophe, qu’elle a plus de partisans ; est-ce aussi sur ces accusations que vous la condamnerez ? Vous n’oseriez avouer ce terrible secret, mais pourriez-vous espérer de le cacher ? Et ne sçavez-vous pas que tout ce qui est écrit en lettres de sang sera lû par l’Univers ! Mais votre intérêt même combat encore ce nouvel argument, le sentiment que de certaines ames ne peuvent jamais détacher d’un grand mal-