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Page:Stanley - Comment j'ai retrouvé Livingstone, trad Loreau, 1884.djvu/313

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forte dimension, qui persistait à nous suivre. L’ombre croissante m’empêchait de distinguer sa forme ; une forme vague, peut-être le spectre de mon sanglier.

Ce soir-là, vers onze heures, nous fûmes réveillés par un lion qui rugissait à proximité du camp ; bientôt la voix d’un autre fit chorus, puis celle d’un troisième ; la nouveauté du fait m’empêcha de me rendormir. Je regardai à travers la porte de l’enceinte et ajustai avec mon Winchester, dont la précision était admirable ; mais les cartouches ! hélas ! comme si elles avaient été remplies de sciure de bois. Dans le dégoût que j’en éprouvai, je laissai les lions tranquilles, et je regagnai ma couche où leurs rugissements me servirent de berceuse.

Nous quittâmes le lendemain la vallée du Mtambou, ce paradis du chasseur, pour l’établissement que les Vouakahouendi appellent Imréra. Le village près duquel nous nous arrêtâmes porte le nom d’Itaga, il est situé dans le Rousahoua, district de l’Oukahouendi, province que les indigènes appellent ordinairement Kahouendi, et dans laquelle nous étions entrés en passant le Mtambou.

Les habitants du Rousahoua, population très-nombreuse, sont bons pour les étrangers. Ils en voient cependant bien rarement ; c’est tout au plus s’ils ont chaque année la visite d’un ou deux Vouasahouahili qui passent là en revenant du Pumbourou et de l’Ousohoua. L’ivoire qu’ils ont à vendre est si peu de chose, que cela ne suffit pas à faire braver la distance qui, sur cette route, sépare les établissements.

Les caravanes qui viennent ici ont pour objectif le Pumbourou, situé au sud-ouest, à un grand jour de marche d’Imréra, c’est-à-dire à une trentaine de milles ; ou bien, du Pumbourou, elles se dirigent vers le Tanganîka par le Katouma, l’Ouhyombeh, l’Ougarahouah et l’Ousohoua.

C’était également la ligne que nous voulions suivre ; mais au moment de nous y engager, nous apprîmes que Mapounda, sultan de l’Ousohoua, était en guerre avec les Vouazavira qui, chassés de Mpokoua et des environs, avaient osé se fixer entre ses États et ceux de Pumbourou.

Il fallait choisir une autre route, la prudence l’exigeait. Je proposai donc de nous rendre au Tanganîka sans autre guide que la boussole, d’aller droit au couchant en évitant les sentiers, et après cela de gagner l’Oujiji en côtoyant le lac.

Ce n’était pas seulement en vue de la guerre que j’avais formé ce plan ; je pensais à Livingstone ; si la nouvelle de mon arrivée