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Page:Stanley - Comment j'ai retrouvé Livingstone, trad Loreau, 1884.djvu/359

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curieux d’avoir la solution du problème, et je vous accompagnerais volontiers. J’ai avec moi vingt hommes qui savent manier la rame. Nous avons des fusils, de l’étoffe, des perles en abondance ; si vous pouvez obtenir un canot des Arabes, l’affaire est arrangée.

— Nous en aurons un, répliqua le docteur, un de Séïd ben Médjid, qui a toujours été excellent pour moi, et qui, d’ailleurs, est un parfait gentleman.

— Ainsi nous partons, c’est entendu ?

— Quand vous voudrez,

— C’est moi qui suis à vos ordres. N’entendez-vous pas mes gens vous appeler le Grand-Maître et moi le Petit-Maître ? Donc à vous d’ordonner. »

À cette époque je savais parfaitement ce qu’était Livingstone. Il est impossible de passer quelque temps avec lui sans le connaître à fond ; car rien ne le déguise ; ce qu’il est en apparence il l’est bien réellement. Je le dépeins tel que je l’ai vu, non tel qu’il se représente, ou qu’on me l’avait décrit. Je ne voudrais blesser personne ; mais quant au portrait qu’on m’avait tracé, c’est tout autre chose que j’ai eu sous les yeux. Je ne l’ai pas quitté depuis le 10 novembre 1871, jusqu’au 14 mars 1872 ; rien de sa conduite ne m’a échappé, soit au camp, soit en marche ; et mon admiration pour lui n’a fait que grandir. Or de tous les endroits, le camp de voyage est le meilleur pour étudier un homme. S’il est égoïste, emporté, bizarre ou mauvais coucheur, c’est là qu’il fera voir son côté faible et qu’il montrera ses lubies dans tout leur jour.

Livingstone a environ soixante ans ; dès qu’il fut rétabli, on ne lui en aurait pas donné plus de cinquante. Ses cheveux, bien qu’ayant des raies grises sur les tempes, sont toujours châtains. Si la moustache et les favoris sont presque blancs, les yeux, qui sont d’un brun clair, ont une vivacité remarquable et la vue perçante du faucon. Ses dents, ébranlées par la dureté des aliments auxquels il a été réduit dans le Londa, ainsi que nous l’avons dit plus haut, sont la seule chose qu’il ait maintenant d’un vieillard. La taille est un peu au-dessus de la moyenne ; la charpente est robuste ; les épaules sont légèrement voûtées, aussi légèrement que possible. La marche est pesante, comme celle d’un homme qui a beaucoup fatigué, mais le pas est très-ferme.

Il a adopté pour coiffure une casquette d’officier de marine qui le fait reconnaître dans tous les endroits où il passe. Les vêtements qu’il portait, la première fois que je le vis, témoignaient