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Page:Stanley - Comment j'ai retrouvé Livingstone, trad Loreau, 1884.djvu/360

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de nombreux raccommodages, mais étaient d’une propreté scrupuleuse.

D’après certains rapports qui m’avaient été faits, je le croyais misanthrope, au moins d’un caractère morose. D’autres personnes m’avaient dit qu’il parlait sans cesse, qu’il tombait en démence, qu’il n’avait plus rien du Livingstone d’autrefois. Ses voyages n’offraient plus d’intérêt ; il ne prenait pas de notes, il ne recueillait aucune observation, ou n’en faisait que d’inintelligibles. Enfin on racontait qu’il s’était remarié avec une princesse africaine.

Qu’il me soit permis d’être d’une opinion toute différente. Il n’est pas un de ces dires qui, à mes yeux, puisse se justifier. Je veux bien qu’il ne soit pas un ange, mais il en approche autant qu’on peut le faire ici-bas. Loin de parler sans rime ni raison, il a infiniment de tact et de réserve ; ce qui ne l’empêche pas d’être plein d’abandon et de gaieté avec ses amis. Est-il besoin de dire qu’il a l’esprit sérieux ?

À l’égard de ses travaux, l’énorme journal que j’ai rapporté à sa fille répond à ceux qui l’accusent de ne pas prendre de notes, de ne pas recueillir d’observations. Plus de vingt feuillets y sont consacrés aux seuls relèvements qu’il a faits dans le Manyéma ; et nombre de pages y sont couvertes de chiffres soigneusement alignés. Une lettre volumineuse, dont j’ai été chargé pour sir Thomas Mac Lear, ancien directeur de l’observatoire du Cap, n’était remplie que d’observations astronomiques. Pour moi, pendant tout le temps que j’ai passé près de lui, je l’ai vu chaque soir relever ses notes avec la plus scrupuleuse attention ; et je lui connais une grande boite de fer blanc où sont des quantités de carnets, dont un jour il publiera le contenu. Enfin, ses cartes, faites avec beaucoup de soin, révèlent non moins de travail que d’habileté.

À propos de son mariage avec une Africaine, je dirai simplement : ce n’est pas vrai. Je crois inutile d’ajouter autre chose ; il est au-dessous d’un gentleman d’associer même l’idée d’un pareil acte au nom de David Livingstone.

Quant à son caractère, prenez-y le point que vous voudrez, analysez-le, et je vous défie d’y trouver rien à reprendre. J’ai souvent entendu nos serviteurs discuter nos mérites respectifs. « Votre maître, disaient mes gens aux siens, votre maître est bon ; il ne vous bat jamais ; car son cœur est doux ; mais le nôtre ! c’est de la poudre. »

Tout d’abord, les Arabes et les indigènes, suspectant ses visées, l’avaient tenu pour odieux, et lui avaient fait subir mille traverses.