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Page:Stendhal, De l’amour, Lévy, 1853.djvu/63

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DE L’AMOUR.

la mets en doute aujourd’hui, c’est peut-être que j’ai perdu le souvenir de ce que je voyais alors.

L’habitude de la musique et de sa rêverie prédispose à l’amour. Un air tendre et triste, pourvu qu’il ne soit pas trop dramatique, que l’imagination ne soit pas forcée de songer à l’action, excitant purement à la rêverie de l’amour, est délicieux pour les âmes tendres et malheureuses : par exemple, le trait prolongé de clarinette, au commencement du quartetto de Bianca e Faliero, et le récit de la Camporesi vers le milieu du quartetto.

L’amant qui est bien avec ce qu’il aime jouit avec transport du fameux duetto d’Armida e Rinaldo de Rossini, qui peint si juste les petits doutes de l’amour heureux et les moments de délices qui suivent les raccommodements. Le morceau instrumental qui est au milieu du duetto au moment où Rinaldo veut fuir, et qui représente d’une manière si étonnante le combat des passions, lui semble avoir une influence physique sur son cœur et le toucher réellement. Je n’ose dire ce que je sens à cet égard ; je passerais pour fou auprès des gens du Nord.


CHAPITRE XVII.

LA BEAUTÉ DÉTRÔNÉE PAR L’AMOUR.


Albéric rencontre dans une loge une femme plus belle que sa maîtresse (je supplie qu’on me permette une évaluation mathématique), c’est-à-dire dont les traits promettent trois unités de bonheur, au lieu de deux (je suppose que la beauté parfaite donne une quantité de bonheur exprimée par le nombre quatre).