La seule chose que je voie à blâmer dans la pudeur, c’est de conduire à l’habitude de mentir ; c’est le seul avantage que les femmes faciles aient sur les femmes tendres. Une femme facile vous dit : « Mon cher ami, dès que vous me plairez, je vous le dirai, et je serai plus aise que vous, car j’ai beaucoup d’estime pour vous. »
Vive satisfaction de Constance, s’écriant après la victoire de son amant : « Que je suis heureuse de ne m’être donnée à personne depuis huit ans que je suis brouillée avec mon mari ! »
Quelque ridicule que je trouve ce raisonnement, cette joie me semble pleine de fraîcheur.
Il faut absolument que je conte ici de quelle nature étaient les regrets d’une dame de Séville abandonnée par son amant. J’ai besoin qu’on se rappelle qu’en amour tout est signe, et surtout qu’on veuille bien accorder un peu d’indulgence à mon style[1].
Mes yeux d’homme croient distinguer neuf particularités dans la pudeur.
1oL’on joue beaucoup contre peu, donc être extrêmement réservée, donc souvent affectation ; l’on ne rit pas, par exemple, des choses qui amusent le plus ; donc il faut beaucoup d’esprit pour avoir juste ce qu’il faut de pudeur[2]. C’est pour cela que beaucoup de femmes n’en ont pas assez en petit comité, ou, pour parler plus juste, n’exigent pas que les contes qu’on leur fait soient assez gazés, et ne perdent leurs voiles qu’à mesure du degré d’ivresse et de folie[3].
- ↑ Note de la page 58.
- ↑ Voir le ton de la société à Genève, surtout dans les familles du haut ; utilité d’une cour pour corriger par le ridicule la tendance à la pruderie ; Duclos faisant des contes à madame de Rochefort : « En vérité, vous nous croyez trop honnêtes femmes. » Rien n’est ennuyeux au monde comme la pudeur non sincère.
- ↑ Eh ! mon cher Fronsac, il y a vingt bouteilles de champagne entre le conte que tu nous commences et ce que nous disons à cette heure.