Page:Stendhal, De l’amour, Lévy, 1853.djvu/96

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
66
ŒUVRES DE STENDHAL.

semble pourtant que c’est par orgueil féminin qu’elle se laisse mourir et n’accepte pas la main de Lovelace.

La faute de Lovelace était grande ; mais, puisqu’elle l’aimait un peu, elle aurait pu trouver dans son cœur le pardon d’un crime dont l’amour était cause.

Monime, au contraire, me semble un touchant modèle de délicatesse féminine. Quel front ne rougit pas de plaisir en entendant dire par une actrice digne de ce rôle :

Et ce fatal amour, dont j’avais triomphé,
.  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .
Vos détours l’ont surpris et m’en ont convaincue
Je vous l’ai confessé, je le dois soutenir ;
En vain vous en pourriez perdre le souvenir ;
Et cet aveu honteux, où vous m’avez forcée,
Demeurera toujours présent à ma pensée.
Toujours je vous croirais incertain de ma foi ;
Et le tombeau, seigneur, est moins triste pour moi
Que le lit d’un époux qui m’a fait cet outrage,
Qui s’est acquis sur moi ce cruel avantage,
Et, qui, me préparant un éternel ennui,
M’a fait rougir d’un feu qui n’était pas pour lui.

Racine.


Je m’imagine que les siècles futurs diront : Voilà à quoi la monarchie était bonne[1], à produire de ces sortes de caractères, et leur peinture par les grands artistes.

Cependant, même dans les républiques du moyen âge, je trouve un admirable exemple de cette délicatesse, qui semble détruire mon système de l’influence des gouvernements sur les passions, et que je rapporterai avec candeur.

Il s’agit de ces vers si touchants de Dante :

Deh ! quando tu sarai tornato al mondo,
.  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .
Ricorditi di me, che son la Pia :

  1. La monarchie sans charte et sans chambres.