Page:Stendhal - Armance, Lévy, 1877.djvu/167

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suivants ; elle ne pouvait s’abandonner un instant à la rêverie, sans arriver au plus parfait dégoût de toutes choses, et elle avait le malheur de sentir vivement son état. Les obstacles étrangers à un mariage auquel, dans toutes les suppositions, elle n’eût jamais consenti, semblaient s’aplanir ; mais le cœur seul d’Octave n’était point pour elle.

Madame de Malivert, après avoir vu naître la passion de son fils pour Armance, avait été alarmée de ses assiduités auprès de la brillante comtesse d’Aumale. Mais il lui avait suffi de les voir ensemble, pour deviner que cette relation était un devoir que la bizarrerie de son fils s’était imposé ; madame de Malivert savait bien que si elle l’interrogeait à cet égard, il lui répondrait par la vérité ; mais elle s’était soigneusement abstenue des questions même les plus indirectes. Ses droits ne lui semblaient pas aller jusque là. Par égard pour ce qu’elle croyait devoir à la dignité de son sexe, elle avait voulu parler de ce mariage à Armance, avant de s’en ouvrir avec son fils, de la passion duquel elle était sûre.

Après avoir fait part de son projet à mademoiselle de Zohiloff, madame de Malivert s’arrangea pour se trouver des heures entières dans le salon de madame de Bonnivet. Elle crut voir qu’il se passait quelque chose d’étrange entre Armance et son fils. Armance était évidemment fort malheureuse. Serait-il possible, se dit madame de Malivert, qu’Octave qui l’adore et la voit sans cesse ne lui eût jamais dit qu’il l’aime ?

Le jour où mademoiselle de Zohiloff devait donner sa réponse était arrivé. Le matin, de bonne heure, madame de Malivert lui envoya sa voiture et un petit billet par lequel elle la priait de venir passer une heure avec elle. Armance arriva avec la physionomie qu’on a après une longue maladie ; elle n’eût pas eu la force de venir à pied. Dès qu’elle fut seule avec madame de Malivert, elle lui dit avec une douceur par-