Page:Stendhal - Armance, Lévy, 1877.djvu/211

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Octave errait à l’aventure dans sa chambre ; il donnait des ordres qu’il révoquait à l’instant. Ah ! je ne sais ce que je veux, se dit-il, au comble de la douleur. Ô ciel ! comment peut-on souffrir davantage ?

Il ne trouvait de soulagement dans aucune position. Il faisait les mouvements les plus bizarres. S’il en recueillait un peu d’étonnement et de douleur physique, pendant une demi-seconde, il était distrait de l’image d’Armance. Il essaya de se causer une douleur physique assez violente toutes les fois que son esprit lui rappelait Armance. De toutes les ressources qu’il imagina, celle-ci fut la moins inefficace.

Ah ! se disait-il en d’autres moments, il ne faut jamais la revoir ! cette douleur l’emporte sur toutes les autres. C’est une arme acérée dont il faut user la pointe à force de m’en percer le cœur.

Il envoya son domestique acheter quelqu’une des choses nécessaires au voyage ; il avait besoin d’être débarrassé de sa présence autour de lui ; il voulait pendant quelques instants se livrer à son affreuse douleur. La contrainte semblait l’envenimer encore.

Il n’y avait pas cinq minutes que ce domestique était hors de la chambre, qu’il lui sembla qu’il aurait trouvé du soulagement à pouvoir lui adresser la parole ; souffrir dans la solitude était devenu le pire des tourments. Et ne pouvoir se tuer, s’écria-t-il ! Il se mit à la fenêtre pour tâcher de voir quelque chose qui pût l’occuper un instant.

Le soir vint, l’ivresse ne lui fut d’aucun secours. Il en avait espéré un peu de sommeil, elle ne lui donna que de la folie.

Effrayé des idées qui se présentaient à lui, et qui pouvaient le rendre la fable de la maison et compromettre Armance indirectement : il vaudrait mieux, se dit-il, m’accorder la permission de finir, et il s’enferma à clé.

La nuit était avancée ; immobile sur le balcon de sa fenê-