Page:Stendhal - Armance, Lévy, 1877.djvu/255

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les domestiques dans l’étage souterrain, était si profond, qu’Armance, dont le cœur battait avec force, n’osa faire aucun mouvement. D’ailleurs, la malheureuse Armance ne pouvait se dissimuler qu’Octave venait de donner un signal ; et quelque peu féminin qu’il fût, il lui semblait que madame d’Aumale pouvait fort bien l’avoir choisi.

La fenêtre sur laquelle Octave s’appuyait était à la tête du petit escalier qui descendait au premier, il était impossible de passer. Octave siffla une troisième fois comme onze heures venaient de sonner ; le garde-chasse qui était à l’office avec les domestiques ne répondit pas. Vers les onze heures et demie Octave rentra chez lui.

Armance, qui de la vie ne s’était trouvée engagée dans une démarche dont elle eût à rougir, était si troublée qu’elle se trouvait hors d’état de marcher. Il était évident qu’Octave donnait un signal, on allait y répondre, ou bientôt il sortirait de nouveau. Onze heures trois quarts sonnèrent à l’horloge du château, ensuite minuit. Cette heure indue augmenta les remords d’Armance ; elle se décida à quitter le cabinet qui lui avait servi de refuge, et comme minuit achevaient de sonner, elle se mit en marche. Elle était tellement troublée qu’elle, qui avait ordinairement la démarche si légère, faisait assez de bruit.

En s’avançant dans le corridor, elle aperçut dans l’ombre, à la fenêtre près de l’escalier, une figure qui se dessinait sur le ciel, elle reconnut bientôt M. de Soubirane. Il attendait son domestique qui lui apportait une bougie, et au moment où Armance immobile regardait la figure du commandeur qu’elle venait de reconnaître, la lumière de la bougie qui commençait à monter l’escalier parut au plafond du corridor.

Avec du sang-froid Armance aurait pu essayer de se cacher derrière une grande armoire qui était dans le coin du