Page:Stendhal - Armance, Lévy, 1877.djvu/257

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de madame. Il y a quelque chose d’extraordinaire. Octave est-il malade ? — Non, maman, dit Armance en fondant en larmes, ce n’est que moi qui suis une fille perdue.

Madame de Malivert la fit entrer dans sa chambre, et elle raconta ce qui venait de lui arriver, sans rien dissimuler ni passer sous silence, pas même sa jalousie. Le cœur d’Armance, épuisé par tant de malheurs, n’avait plus la force de rien cacher.

Madame de Malivert fut épouvantée. Tout à coup : Il ne faut pas perdre de temps, s’écria-t-elle, donne-moi ma pelisse, ma pauvre fille, ma chère fille, et elle lui donna deux ou trois baisers avec toute la passion d’une mère. Allume mon bougeoir ; toi, reste ici. Madame de Malivert courut chez son fils ; la porte heureusement n’était pas fermée ; elle entre doucement, éveille Octave et lui raconte ce qui vient de se passer. Mon frère peut nous perdre, dit madame de Malivert, et suivant les apparences il n’y manquera pas. Lève-toi, entre dans sa chambre, dis-lui que j’ai eu une sorte de coup de sang chez toi. Trouves-tu quelque chose de mieux ? — Oui, maman, dès demain épouser Armance si cet ange veut encore de moi.

Ce mot imprévu comble les vœux de madame de Malivert, elle embrasse son fils ; mais elle ajoute par réflexion : Ton oncle n’aime pas Armance, il pourra parler ; il promettra le silence, mais il a son domestique qui par son ordre parlera, et qu’il chassera ensuite pour avoir parlé. Je tiens à mon idée de coup de sang. Cette comédie nous occupera désagréablement pendant trois jours, mais l’honneur de ta femme est plus précieux que tout. Songe que tu dois te montrer très-effrayé. Dès que tu auras averti le commandeur, descends chez moi, fais part de notre idée à Armance. Quand le commandeur l’a rencontrée sur l’escalier, j’étais dans ta chambre, et elle allait chercher madame Dérien. Octave courut