Page:Stendhal - Chroniques italiennes, I, 1929, éd. Martineau.djvu/239

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la mode, ne vous attendez point surtout aux émotions entraînantes d’un roman de George Sand ; ce grand écrivain eût fait un chef-d’œuvre avec la vie et les malheurs de Vittoria Accoramboni. Le récit sincère que je vous présente ne peut avoir que les avantages plus modestes de l’histoire. Quand par hasard, courant la poste seul à la tombée de la nuit, on s’avise de réfléchir au grand art de connaître le cœur humain, on pourra prendre pour base de ses jugements les circonstances de l’histoire que voici. L’auteur dit tout, explique tout, ne laisse rien à faire à l’imagination du lecteur ; il écrivait douze jours après la mort de l’héroïne[1].

Vittoria Accoramboni naquit d’une fort noble famille, dans une petite ville du duché d’Urbin, nommée Agubio. Dès son enfance, elle fut remarquée de tous, à cause d’une rare et extraordinaire beauté ; mais cette beauté fut son moindre charme : rien ne lui manqua de ce qui peut faire admirer une fille de haute naissance ; mais rien ne fut si remarquable en elle, et l’on peut dire rien ne tint autant du prodige, parmi tant de qualités extraordinaires, qu’une certaine grâce toute charmante

  1. Le manuscrit italien est déposé au bureau de la Revue des Deux Mondes.