Page:Stendhal - Chroniques italiennes, I, 1929, éd. Martineau.djvu/311

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il tenta avec des menaces, et en employant la force de violer sa propre fille Béatrix, laquelle était déjà grande et belle ; il n’eut pas honte d’aller se placer dans son lit, lui se trouvant dans un état complet de nudité. Il se promenait avec elle dans les salles de son palais, lui étant parfaitement nu ; puis il la conduisait dans le lit de sa femme, afin qu’à la lueur des lampes la pauvre Lucrèce pût voir ce qu’il faisait avec Béatrix.

Il donnait à entendre à cette pauvre fille une hérésie effroyable, que j’ose à peine rapporter, à savoir que, lorsqu’un père connaît sa propre fille, les enfants qui naissent sont nécessairement des saints, et que tous les plus grands saints vénérés par l’Église sont nés de cette façon, c’est-à-dire que leur grand-père maternel a été leur père[1].

Lorsque Béatrix résistait à ses exécrables volontés, il l’accablait des coups les plus cruels, de sorte que cette pauvre fille, ne pouvant tenir à une vie si malheureuse, eut l’idée de suivre l’exemple que sa sœur lui avait donné. Elle adressa à notre saint père le pape une supplique fort détaillée ; mais il est à croire que François Cenci avait pris ses précautions, car il ne paraît

  1. Le conteur ne s’indigne tout à fait que pour l’hérésie. (Note de Stendhal sur le manuscrit italien.)