Page:Stendhal - Chroniques italiennes, I, 1929, éd. Martineau.djvu/341

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voile de taffetas lui fut ôté le public aperçût ses épaules et sa poitrine. Le coup fut longtemps à être donné, parce qu’il survint un embarras. Pendant ce temps, elle invoquait à haute voix le nom de Jésus-Christ et de la très-sainte Vierge[1]. Le corps fit un grand mouvement au moment fatal. Le pauvre Bernard Cenci, qui était toujours resté assis sur l’échafaud, tomba de nouveau évanoui, et il fallut plus d’une grosse demi-heure à ses confortatori pour le ranimer. Alors parut sur l’échafaud Jacques Cenci ; mais il faut encore ici passer sur des détails trop atroces. Jacques Cenci fut assommé (mazzolato).

Sur-le-champ, on reconduisit Bernard en prison, il avait une forte fièvre, on le saigna.

Quant aux pauvres femmes, chacune fut accommodée dans sa bière, et déposée à quelques pas de l’échafaud, auprès de la statue de saint Paul, qui est la première à droite sur le pont Saint-Ange. Elles

  1. Un auteur contemporain raconte que Clément VIII était fort inquiet pour le salut de l’âme de Béatrix ; comme il savait qu’elle se trouvait injustement condamnée, il craignait un mouvement d’impatience. Au moment où elle eut placé la tête sur la mannaja, le fort Saint-Ange, d’où la mannaja se voyait fort bien, tira un coup de canon. Le pape, qui était en prières à Monte-Cavallo, attendant ce signal, donna aussitôt à la jeune fille l’absolution papale majeure, in articulo mortis. De là le retard dans ce cruel moment dont parle le chroniqueur.