Page:Stendhal - Chroniques italiennes, I, 1929, éd. Martineau.djvu/91

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arquebuses magnifiques que son père tenait suspendues auprès de son lit. Elle couvrit également d’une légère couche de poussière ses poignards et ses épées. Toute la journée elle fut d’une gaieté folle, elle parcourait sans cesse la maison du haut en bas ; à chaque instant, elle s’approchait des fenêtres, bien résolue de faire à Jules un signe négatif, si elle avait le bonheur de l’apercevoir. Mais elle n’avait garde : le pauvre garçon avait été si profondément humilié par l’apostrophe du riche seigneur de Campireali, que de jour il ne paraissait jamais dans Albano ; le devoir seul l’y amenait le dimanche pour la messe de la paroisse. La mère d’Hélène, qui l’adorait et ne savait lui rien refuser, sortit trois fois avec elle ce jour-là, mais ce fut en vain : Hélène n’aperçut point Jules. Elle était au désespoir. Que devint-elle lorsque, allant visiter sur le soir les armes de son père, elle vit que deux arquebuses avaient été chargées, et que presque tous les poignards et épées avaient été maniés ! Elle ne fut distraite de sa mortelle inquiétude que par l’extrême attention qu’elle donnait au soin de paraître ne se douter de rien. En se retirant à dix heures du soir, elle ferma à clef la porte de sa chambre, qui donnait dans l’antichambre de sa mère, puis elle se tint collée à sa fenêtre