Page:Stendhal - Chroniques italiennes, I, 1929, éd. Martineau.djvu/92

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et couchée sur le sol, de façon à ne pouvoir pas être aperçue du dehors. Qu’on juge de l’anxiété avec laquelle elle entendit sonner les heures ; il n’était plus question des reproches qu’elle se faisait souvent sur la rapidité avec laquelle elle s’était attachée à Jules, ce qui pouvait la rendre moins digne d’amour à ses yeux. Cette journée-là avança plus les affaires du jeune homme que six mois de constance et de protestations. « À quoi bon mentir ? se disait Hélène. Est-ce que je ne l’aime pas de toute mon âme ? »

À onze heures et demie, elle vit fort bien son père et son frère se placer en embuscade sur le grand balcon de pierre au-dessous de sa fenêtre. Deux minutes après que minuit eut sonné au couvent des Capucins, elle entendit fort bien aussi les pas de son amant, qui s’arrêta sous le grand chêne ; elle remarqua avec joie que son père et son frère semblaient n’avoir rien entendu ; il fallait l’anxiété de l’amour pour distinguer un bruit aussi léger.

« Maintenant, se dit-elle, ils vont me tuer, mais il faut à tout prix qu’ils ne surprennent pas la lettre de ce soir ; ils persécuteraient à jamais ce pauvre Jules. » Elle fit un signe de croix et, se retenant d’une main au balcon de fer de sa fenêtre, elle se pencha au dehors, s’avançant au-