Page:Stendhal - Chroniques italiennes, I, 1929, éd. Martineau.djvu/97

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« Ils avaient tout découvert, excepté son nom. Qu’il ne reparaisse plus dans la rue ; on viendra ici souvent. »

Hélène laissa tomber un de ces lambeaux de papier ; un regard avertit Jules, qui ramassa et disparut. En rentrant chez elle, une heure après, elle trouva sur le grand escalier du palais un fragment de papier qui attira ses regards par sa ressemblance exacte avec ceux dont elle s’était servie le matin. Elle s’en empara, sans que sa mère elle-même s’aperçût de rien ; elle y lut :

« Dans trois jours il reviendra de Rome, où il est forcé d’aller. On chantera en plein jour, les jours de marché, au milieu du tapage des paysans, vers dix heures. »

Ce départ pour Rome parut singulier à Hélène. « Est-ce qu’il craint les coups d’arquebuse de mon frère ? » se disait-elle tristement. L’amour pardonne tout, excepté l’absence volontaire ; c’est qu’elle est le pire des supplices. Au lieu de se passer dans une douce rêverie et d’être tout occupée à peser les raisons qu’on a d’aimer son amant, la vie est agitée par des doutes cruels. « Mais, après tout, puis-je croire qu’il ne m’aime plus ? » se disait Hélène pendant les trois longues journées que dura l’absence de Branciforte. Tout à coup ses chagrins furent remplacés par une joie