Page:Stendhal - Chroniques italiennes, II, 1929, éd. Martineau.djvu/165

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de Lorenzo et de Pierre-Antoine ! Elles avaient de fausses clés de la porte du jardin, elles se précipitèrent sur les serrures, et quoique la porte fût énorme, elles eurent la force de la faire tourner sur ses gonds. Céliane, qui était la plus forte et la plus âgée, osa la première sortir du jardin. Elle rentra quelques instants après, soutenant dans ses bras Lorenzo, son amant, qui paraissait dangereusement blessé et qui pouvait à peine se soutenir. Il gémissait à chaque pas comme un homme expirant, et en effet, à peine eut-il fait une dizaine de pas dans le jardin, que, malgré les efforts de Céliane, il tomba et expira presque aussitôt. Céliane, oubliant toute prudence, l’appelait à haute voix et éclatait en sanglots sur son corps, en voyant qu’il ne répondait point.

Tout cela se passa à vingt pas environ du toit en terrasse de la petite orangerie. Félize comprit fort bien que Lorenzo était mort ou mourant, et il serait difficile de peindre son désespoir. « C’est moi qui suis la cause de tout cela », se disait-elle. « Rodéric se sera laissé emporter et il aura tué Lorenzo. Il est naturellement cruel, sa vanité ne pardonne jamais les blessures qu’on lui a faites, et dans plusieurs mascarades les chevaux de Lorenzo et les livrées de ses gens ont été trouvées plus