Page:Stendhal - Chroniques italiennes, II, 1929, éd. Martineau.djvu/284

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épées nues de mes deux dragons ne l’effraient pas, je suis comme perdu dans ce vaste couvent, qui est un monde. »

Par bonheur, le duc, qui serrait fortement le poignet de l’abbesse, était cependant fort attentif au mouvement qu’elle pouvait imprimer ; elle le conduisit à un vaste escalier qui conduisait à une immense salle à demi souterraine. Le duc, voyant ce demi-succès et voyant qu’il n’avait pour témoins que son aide de camp, le duc d’Atri, et les deux dragons, dont il entendait les grosses bottes frapper les marches de l’escalier, jugea convenable d’éclater en propos menaçants. Enfin il arriva à la salle sombre dont nous avons parlé et qui était éclairée par quatre cierges placés sur un autel. Deux religieuses, jeunes encore, étaient couchées par terre et paraissaient mourir dans les convulsions du poison ; trois autres, placées vingt pas plus loin, étaient aux genoux de leurs confesseurs. Le chanoine Cybo, assis sur un fauteuil placé contre l’autel, semblait impassible quoique fort pâle ; deux grands jeunes gens, placés derrière lui, baissaient un peu la tête pour tâcher de ne pas voir les deux religieuses qui étaient couchées au pied de l’autel et dont les longues robes de soie d’un vert foncé étaient agitées par des mouvements convulsifs.