Page:Stendhal - Chroniques italiennes, II, 1929, éd. Martineau.djvu/29

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étranges que je vais avoir la témérité de prononcer. Depuis longtemps je vous aime plus que la vie. Si, avec trop d’imprudence, j’ai osé regarder comme amant vos divines beautés, vous ne devez pas en imputer la faute à moi, mais à la force surnaturelle qui me pousse et m’agite. Je suis au supplice, je brûle ; je ne demande pas du soulagement pour la flamme qui me consume, mais seulement que votre générosité ait pitié d’un serviteur rempli de défiance et d’humilité.

La duchesse parut surprise et surtout irritée :

— Marcel, qu’as-tu donc vu en moi, lui dit-elle, qui te donne la hardiesse de me requérir d’amour ? Est-ce que ma vie, est-ce que ma conversation se sont tellement éloignées des règles de la décence, que tu aies pu t’en autoriser pour une telle insolence ? Comment as-tu pu avoir la hardiesse de croire que je pouvais me donner à toi ou à tout autre homme, mon mari et seigneur excepté ? Je te pardonne ce que tu m’as dit, parce que je pense que tu es un frénétique ; mais garde-toi de tomber de nouveau dans une pareille faute, ou je te jure que je te ferai punir à la fois pour la première et pour la seconde insolence.

La duchesse s’éloigna transportée de