Page:Stendhal - Chroniques italiennes, II, 1929, éd. Martineau.djvu/59

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l’importance qu’il acquérait aux yeux de l’ambassadeur le flattait singulièrement.

La Campobasso, bien différente de Sénecé, n’était nullement touchée des avantages sociaux de son amant. Être ou n’être pas aimée était tout pour elle. « Je lui sacrifie mon bonheur éternel, se disait-elle ; lui qui est un hérétique, un Français, ne peut rien me sacrifier de pareil. » Mais le chevalier paraissait, et sa gaieté, si aimable, intarissable, et cependant si spontanée, étonnait l’âme de la Campobasso et la charmait. À son aspect, tout ce qu’elle avait formé le projet de lui dire, toutes les idées sombres disparaissaient. Cet état, si nouveau pour cette âme altière, durait encore longtemps après que Sénecé avait disparu. Elle finit par trouver qu’elle ne pouvait penser, qu’elle ne pouvait vivre loin de Sénecé.

La mode à Rome, qui, pendant deux siècles, avait été pour les Espagnols, commençait à revenir un peu aux Français. On commençait à comprendre ce caractère qui porte le plaisir et le bonheur partout où il arrive. Ce caractère ne se trouvait alors qu’en France et, depuis la révolution de 1789, ne se trouve nulle part. C’est qu’une gaieté si constante a besoin d’insouciance, et il n’y a plus pour personne