Page:Stendhal - Chroniques italiennes, II, 1929, éd. Martineau.djvu/99

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Ce n’est pas un être à qui nous devions de la reconnaissance pour un bienfait, et qui soit malheureux et puisse nous maudire si nous y manquons. La patrie et la liberté, c’est comme mon manteau, c’est une chose qui m’est utile, que je dois acheter, il est vrai, quand je ne l’ai pas reçue en héritage de mon père ; mais enfin j’aime la patrie et la liberté, parce que ces deux choses me sont utiles. Si je n’en ai que faire, si elles sont pour moi comme un manteau au mois d’août, à quoi bon les acheter, et à un prix énorme ? Vanina est si belle ! elle a un génie si singulier ! On cherchera à lui plaire ; elle m’oubliera. Quelle est la femme qui n’a jamais eu qu’un amant ? Ces princes romains, que je méprise comme citoyens, ont tant d’avantages sur moi ! Ils doivent être bien aimables ! Ah ! si je pars, elle m’oublie, et je la perds pour jamais.

Au milieu de la nuit, Vanina vint le voir ; il lui dit l’incertitude où il venait d’être plongé, et la discussion à laquelle, parce qu’il l’aimait, il avait livré ce grand mot de patrie. Vanina était bien heureuse.

— S’il devait choisir absolument entre la patrie et moi, se disait-elle, j’aurais la préférence.

L’horloge de l’église voisine sonna trois