Page:Stendhal - Chroniques italiennes, Lévy, 1855.djvu/173

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trouvant pas de chair morte à dévorer, se jetterait sur les chairs vivantes qui l’entourent.

Le prince prit prétexte de ce mal pour aller aux célèbres bains d’Albano, près de Padoue, pays dépendant de la république de Venise ; il partit avec sa nouvelle épouse vers le milieu de juin. Albano était un port très sûr pour lui ; car depuis un grand nombre d’années, la maison Orsini était liée à la république de Venise par des services réciproques.

Arrivé en ce pays de sûreté, le prince ne pensa qu’à jouir des agréments de plusieurs séjours ; et, dans ce dessein, il loua trois magnifiques palais : l’un à Venise, le palais Dandolo, dans la rue de la Zecca ; le second à Padoue, et ce fut le palais Foscarini, sur la magnifique place nommée l’Arena ; il choisit le troisième à Salo, sur la rive délicieuse du lac de Garde : celui-ci avait appartenu autrefois à la famille Sforza Pallavicini.

Les seigneurs de Venise (le gouvernement de la république) apprirent avec plaisir l’arrivée dans leurs États d’un tel prince, et lui offrirent aussitôt une très noble condotta (c’est-à-dire une somme considérable payée annuellement, et qui devait être employée par le prince à lever un corps de deux ou trois mille hommes dont il aurait le commandement). Le prince se débarrassa de cette offre fort lestement ; il fit répondre à ces sénateurs que, bien que, par une inclination naturelle et héréditaire en sa famille, il se sentît porté de cœur au service de la sérénissime république, toutefois, se trouvant présentement attaché au roi catholique, il ne lui semblait