elle couvrit de baisers. Il y eut un long silence, l’inconnue avait les larmes aux yeux. Enfin, elle quitta la main de Vanina, et de l’air dont elle serait allée à la mort, lui dit :
— J’ai un aveu à vous faire. Avant-hier, j’ai menti en disant que je m’appelais Clémentine ; je suis un malheureux carbonaro…
Vanina étonnée recula sa chaise et bientôt se leva.
— Je sens, continua le carbonaro, que cet aveu va me faire perdre le seul bien qui m’attache à la vie ; mais il est indigne de moi de vous tromper. Je m’appelle Pietro Missirilli ; j’ai dix-neuf ans ; mon père est un pauvre chirurgien de Saint-Angelo-in-Vado, moi je suis carbonaro. On a surpris notre vente ; j’ai été amené, enchaîné, de la Romagne à Rome. Plongé dans un cachot éclairé jour et nuit par une lampe, j’y ai passé treize mois. Une âme charitable a eu l’idée de me faire sauver. On m’a habillé en femme. Comme je sortais de prison et passais devant les gardes de la dernière porte, l’un d’eux a maudit les carbonari ; je lui ai donné un soufflet. Je vous assure que ce ne fut pas une vaine bravade, mais tout simplement une distraction. Poursuivi dans la nuit dans les rues de Rome après cette imprudence, blessé à coups de baïonnette, perdant déjà mes forces, je monte dans une maison dont la porte était ouverte ; j’entends les soldats qui montent après moi, je saute dans un jardin ; je tombe à quelques pas d’une femme qui se promenait.
— La comtesse Vitteleschi ! l’amie de mon père, dit Vanina.