était par excès d’amour. Comme quatre heures sonnaient, elle entendit de loin, sur le pavé les pas des chevaux des carabiniers. Le bruit de chacun de ces pas semblait retentir dans son cœur. Bientôt elle distingua le roulement des charrettes qui transportaient les prisonniers. Elles s’arrêtèrent sur la petite place devant la prison ; elle vit deux carabiniers soulever Missirilli, qui était seul sur une charrette, et tellement chargé de fers qu’il ne pouvait se mouvoir. « Du moins il vit, se dit-elle les larmes aux yeux, ils ne l’ont pas encore empoisonné ! » La soirée fut cruelle ; la lampe de l’autel, placée à une grande hauteur, et pour laquelle le geôlier épargnait l’huile, éclairait seule cette chapelle sombre. Les yeux de Vanina erraient sur les tombeaux de quelques grands seigneurs du Moyen Age morts dans la prison voisine. Leurs statues avaient l’air féroce.
Tous les bruits avaient cessé depuis longtemps ; Vanina était absorbée dans ses noires pensées. Un peu après que minuit eut sonné, elle crut entendre un bruit léger comme le vol d’une chauve-souris. Elle voulut marcher, et tomba à demi évanouie sur la balustrade de l’autel. Au même instant, deux fantômes se trouvèrent tout près d’elle, sans qu’elle les eût entendu venir. C’étaient le geôlier et Missirilli chargé de chaînes, au point qu’il en était comme emmailloté. Le geôlier ouvrit une lanterne, qu’il posa sur la balustrade de l’autel, à côté de Vanina, de façon à ce qu’il pût bien voir son prisonnier. Ensuite il se retira dans le fond, près de la porte. A peine le geôlier se fut-il éloigné que Vanina se précipita au cou de Missirilli.