Page:Stendhal - Chroniques italiennes, Lévy, 1855.djvu/313

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En le serrant dans ses bras, elle ne sentit que ses chaînes froides et pointues. « Qui les lui a données ces chaînes ? » pensa-t-elle. Elle n’eut aucun plaisir à embrasser son amant. A cette douleur en succéda une autre plus poignante ; elle crut un instant que Missirilli savait son crime, tant son accueil fut glacé.

— Chère amie, lui dit-il enfin, je regrette l’amour que vous avez pris pour moi ; c’est en vain que je cherche le mérite qui a pu vous l’inspirer. Revenons, croyez-m’en, à des sentiments plus chrétiens, oublions les illusions qui jadis nous ont égarés ; je ne puis vous appartenir. Le malheur constant qui a suivi mes entreprises vient peut-être de l’état de péché mortel où je me suis constamment trouvé. Même à n’écouter que les conseils de la prudence humaine, pourquoi n’ai-je pas été arrêté avec mes amis, lors de la fatale nuit de Forli ? Pourquoi, à l’instant du danger, ne me trouvais-je pas à mon poste ? Pourquoi mon absence a-t-elle pu autoriser les soupçons les plus cruels ? J’avais une autre passion que celle de la liberté de l’Italie.

Vanina ne revenait pas de la surprise que lui causait le changement de Missirilli. Sans être sensiblement maigri, il avait l’air d’avoir trente ans. Vanina attribua ce changement aux mauvais traitements qu’il avait soufferts en prison, elle fondit en larmes.

— Ah, lui dit-elle, les geôliers avaient tant promis qu’ils te traiteraient avec bonté.

Le fait est qu’à l’approche de la mort, tous les principes religieux qui pouvaient s’accorder avec la passion pour