Page:Stendhal - Chroniques italiennes, Lévy, 1855.djvu/347

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La gravité empesée et hargneuse de 1836 pardonnera-t-elle à la gaieté de la bonne compagnie de 1739 ?

Je ne le crois pas ; et, pour ma part, je n’aurais conseillé à aucun libraire de réimprimer les lettres de M. le président de Brosses. Il fallait attendre vingt ans ; voici mes raisons :

Le faubourg Saint-Germain a peur et fait alliance avec l’autel. Il va dire d’un air ennuyé et dédaigneux : Ouvrage impie ! et il jettera le livre. Et cependant cette société seule, si, pour un instant, elle pouvait oublier la peur d’un nouveau 93 et la diminution de respect qu’elle trouve dans ses relations avec les autres classes, pourrait goûter l’esprit si naturel et le laisser aller si simple de M. le président de Brosses.

Quant au tiers état enrichi, qui a de belles voitures et un hôtel à la Chaussée-d’Antin, il a encore l’habitude de ne voir le courage que sous les moustaches. Si on ne lui crie pas : Je vais avoir bien de l’esprit, il ne s’aperçoit de rien, et prendrait au besoin le style simple pour une injure qu’on fait à sa dignité.

De là l’impossibilité de la comédie dans notre siècle.

Le jour immortel où M. l’abbé Sieyès publia son pamphlet intitulé : Qu’est-ce que le tiers ? Nous sommes à genoux, levons-nous, il croyait attaquer l’aristocratie politique, et il créait, sans le savoir, l'aristocratie littéraire. De ce jour, par exemple, la comédie fut impossible.

Mon voisin, M. le baron Poitou, est bien autrement riche que moi ; je n’ai qu’une stalle aux Français, et encore aux bons jours seulement, lors d’une nouvelle co-