médie de M. Scribe, et cette place me coûte dix francs, c’est sûr. Lui a une loge aux premières, où il arrive et se place à grand bruit, avec madame la baronne Poitou et les demoiselles Poitou. A la bonne heure. Mais le malheur de la comédie qu’on va jouer, c’est que cette famille respectable et riche ne peut rire des mêmes plaisanteries que moi. C’est que, malgré mon âge, quarante-neuf ans sonnés, je lisais encore l’autre jour l’Émile de Jean-Jacques Rousseau, que M. Poitou prend pour un roman.
Si l’auteur comique a expliqué son intrigue clairement pour M. le baron Poitou, madame Poitou, mesdemoiselles Poitou, il a été lourd et ennuyeux pour moi.
S’il a été leste et enjoué dans son exposition, qui m’a charmé, M. Poitou s’est endormi ; il n’y comprenait rien.
La société qui riait de Georges Dandin (que, par parenthèse, M. Poitou a sifflé la semaine passée) comptait sans doute des sots, des demi-sots, des gens d’esprit, etc. ; les satires de Boileau en font foi. Mais, par le long gouvernement de Louis XIV, par la nécessité imposée aux courtisans de passer plusieurs heures chaque jour dans les salons de Versailles, où il fallait bien parler, sous peine de mourir d’ennui, cette société avait été portée au même point de détente pour le comique, si j’ose m’exprimer ainsi. Les contemporains de madame de Sévigné n’avaient pas tous de l’esprit, sans doute ; mais on trouvait chez eux l’intelligence des choses littéraires, et l’on peut dire qu’à cet égard ils avaient reçu la même éducation. Aujourd’hui la moitié de la bonne compagnie, qui