Page:Stendhal - Chroniques italiennes, Lévy, 1855.djvu/38

La bibliothèque libre.
Aller à la navigation Aller à la recherche
Cette page n’a pas encore été corrigée

seul l’y amenait le dimanche pour la messe de la paroisse. La mère d’Hélène, qui l’adorait et ne savait lui rien refuser, sortit trois fois avec elle ce jour-là, mais ce fut en vain ; Hélène n’aperçut point Jules. Elle était au désespoir. Que devint-elle lorsque, allant visiter sur le soir les armes de son père, elle vit que deux arquebuses avaient été chargées, et que presque tous les poignards et épées avaient été maniés. Elle ne fut distraite de sa mortelle inquiétude que par l’extrême attention qu’elle donnait au soin de paraître ne se douter de rien. En se retirant à dix heures du soir, elle ferma à clé la porte de sa chambre qui donnait dans l’antichambre de sa mère, puis elle se tint collée à sa fenêtre et couchée sur le sol, de façon à ne pouvoir pas être aperçue du dehors. Qu’on juge de l’anxiété avec laquelle elle entendit sonner les heures ; il n’était plus question des reproches qu’elle se faisait souvent sur la rapidité avec laquelle elle s’était attachée à Jules, ce qui pouvait la rendre moins digne d’amour à ses yeux. Cette journée-là avança plus les affaires du jeune homme que six mois de constance et de protestations. A quoi bon mentir ? se disait Hélène. Est-ce que je ne l’aime pas de toute mon ame ?

A onze heures et demie, elle vit fort bien son père et son frère se placer en embuscade sur le grand balcon de pierre au-dessous de sa fenêtre. Deux minutes après que minuit eut sonné au couvent des Capucins, elle entendit fort bien aussi les pas de son amant qui s’arrêta sous le grand chêne ; elle remarqua avec joie que son père et son frère semblaient n’avoir rien entendu : il fallait l’anxié