se trouver seul avec lui-même dans sa maison solitaire : voici pourquoi. Ranuce, un ancien soldat de son père, après avoir fait dix campagnes avec lui dans les troupes de divers condotieri, et, en dernier lieu, dans celles de Marco Sciarra, avait suivi son capitaine lorsque ses blessures forcèrent celui-ci à se retirer. Le capitaine Branciforte avait des raisons pour ne pas vivre à Rome ; il était exposé à y rencontrer les fils d’hommes qu’il avait tués ; même dans Albano, il ne se souciait pas de se mettre tout-à-fait à la merci de l’autorité régulière. Au lieu d’acheter ou de louer une maison dans la ville, il aima mieux en bâtir une située de façon à voir venir de loin les visiteurs. Il trouva dans les ruines d’Albe une position admirable : on pouvait, sans être aperçu par les visiteurs indiscrets, se réfugier dans la forêt où régnait son ancien ami et patron, le prince Fabrice Colonne. Le capitaine Branciforte se moquait fort de l’avenir de son fils. Lorsqu’il se retira du service, âgé de cinquante ans seulement, mais criblé de blessures, il calcula qu’il pourrait vivre encore quelque dix ans, et, sa maison bâtie, dépensa chaque année le dixième de ce qu’il avait amassé dans les pillages des villes et villages auxquels il avait eu l’honneur d’assister.
Il acheta la vigne qui rendait trente écus de rente à son fils, pour répondre à la mauvaise plaisanterie d’un bourgeois d’Albano, qui lui avait dit, un jour qu’il disputait avec emportement sur les intérêts et l’honneur de la ville, qu’il appartenait, en effet, à un aussi riche propriétaire que lui de donner des conseils aux anciens d’Albano.