Page:Stendhal - Chroniques italiennes, Lévy, 1855.djvu/49

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Lorsque le seigneur de Campireali et son fils tirèrent les deux coups d’arquebuse, Ranuce et le caporal avaient pris position sous le balcon de pierre, et Jules eut toutes les peines du monde à les empêcher de tuer Fabio, ou du moins de l’enlever, lorsque celui-ci fit une sortie imprudente en passant par le jardin, comme nous l’avons raconté en son lieu. La raison qui calma Ranuce fut celle-ci : il ne faut pas tuer un jeune homme qui peut devenir quelque chose et se rendre utile, tandis qu’il y a un vieux pécheur plus coupable que lui, et qui n’est plus bon qu’à enterrer.

Le lendemain de cette aventure, Ranuce s’enfonça dans la forêt, et Jules partit pour Rome. La joie qu’il eut d’acheter de beaux habits avec les doublons que Ranuce lui avait donnés était cruellement altérée par cette idée, bien extraordinaire pour son siècle, et qui annonçait les hautes destinées auxquelles il parvint dans la suite ; il se disait : Il faut qu’Hélène connaisse qui je suis. Tout autre homme de son âge et de son temps n’eût songé qu’a jouir de son amour et à enlever Hélène, sans penser en aucune façon à ce qu’elle deviendrait six mois après, pas plus qu’à l’opinion qu’elle pourrait garder de lui.

De retour dans Albano, et l’après-midi même du jour où Jules étalait à tous les yeux les beaux habits qu’il avait rapportés de Rome, il sut par le vieux Scotti, son ami, que Fabio était sorti de la ville à cheval, pour aller à trois lieues de là à une terre que son père possédait dans la plaine, sur le bord de la mer. Plus tard, il vit le seigneur Campireali prendre, en compagnie de deux