Page:Stendhal - Chroniques italiennes, Lévy, 1855.djvu/85

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route pour rentrer dans la forêt, Jules s’approcha du prince, et lui demanda s’il pouvait rester encore quelques jours où il savait.

— Va-t-en à tous les diables ! lui cria Fabrice, crois-tu que ce soit le moment de m’occuper d’enfantillages ?

. Une heure après, Jules repartit pour Castro. Il y retrouva ses gens ; mais il ne savait comment écrire à Hélène, après la façon hautaine dont il l’avait quittée. Sa première lettre ne contenait que ces mots, « Voudra-t-on me recevoir la nuit prochaine ? »

On peut venir, fut aussi toute la réponse.

Après le départ de Jules, Hélène s’était crue à jamais abandonnée. Alors elle avait senti toute la portée du raisonnement de ce pauvre jeune homme si malheureux ; elle était sa femme avant qu’il n’eût eu le malheur de rencontrer son frère sur un champ de bataille.

Cette fois Jules ne fut point accueilli avec ces tournures polies qui lui avaient semblé si cruelles lors de la première entrevue. Hélène ne parut à la vérité que retranchée derrière sa fenêtre grillée ; mais elle était tremblante, et, comme le ton de Jules était fort réservé et que ses tournures de phrase[1] étaient presque celles qu’il eût employées avec une étrangère, ce fut le tour d’Hélène de sentir tout ce qu’il y a de cruel dans le ton presque officiel lorsqu’il succède à la plus douce intimité. Jules, qui redoutait surtout d’avoir l’ame déchirée par quelque

  1. En Italie, la façon d’adresser la parole par tu, par voi ou par lei, marque le degré d’intimité. Le tu, reste du latin, a moins de portée que parmi nous.