Page:Stendhal - Chroniques italiennes, Lévy, 1855.djvu/86

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

mot froid s’élançant du cœur d’Hélène, avait pris le ton d’un avocat pour prouver qu’Hélène était sa femme bien avant le fatal combat des Ciampi. Hélène le laissait parler, parce qu’elle craignait d’être gagnée par les larmes, si elle lui répondait autrement que par des mots brefs. A la fin, se voyant sur le point de se trahir, elle engagea son ami à revenir le lendemain. Cette nuit-là, veille d’une grande fête, les matines se chantaient de bonne heure, et leur intelligence pouvait être découverte. Jules, qui raisonnait comme un amoureux, sortit du jardin profondément pensif ; il ne pouvait fixer ses incertitudes sur le point de savoir s’il avait été bien ou mal reçu ; et comme les idées militaires, inspirées par les conversations avec ses camarades, commençaient à germer dans sa tête : — Un jour, se dit-il, il faudra peut-être en venir à enlever Hélène. — Et il se mit à examiner les moyens de pénétrer de vive force dans ce jardin. Comme le couvent était fort riche et fort bon à rançonner, il avait à sa solde un grand nombre de domestiques la plupart anciens soldats ; on les avait logés dans une sorte de caserne dont les fenêtres grillées donnaient sur le passage étroit qui, de la porte extérieure du couvent percée au milieu d’un mur noir de plus de quatre-vingts pieds de haut, conduisait à la porte intérieure gardée par la sœur tourière. A gauche de ce passage étroit s’élevait la caserne, à droite le mur du jardin haut de trente pieds. La façade du couvent, sur la place, était un mur grossier noirci par le temps, et n’offrait d’ouvertures que la porte extérieure et une