Page:Stendhal - Correspondance, I.djvu/144

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Elle a la plus belle âme ; elle est très bonne, mais on ne la loue pas de cela ; elle a trop d’esprit pour sa beauté ; les petites âmes ne peuvent nier qu’elle ne soit excessive, mais elles disent qu’elle est un tour d’adresse de son esprit. C’est que la plupart des hommes aiment mieux une femme bête et bonne qu’une femme spirituelle et mielleuse ; la reconnaissance pèse moins.

Les femmes s’efforcent de briller devant elle et, malgré cela, l’aiment. C’est qu’elle les fait briller ; elle les aide à montrer leur esprit : on dirait de jolis enfants qui, pour avoir un juge de leurs grâces, viennent jouer devant l’Amour.

Lucile, à cet excellent cœur dont nous avons eu mille preuves, à cet esprit si distingué, joint une âme forte, courageuse et résolue, de ces âmes supérieures à tout événement, dont la fermeté et la grandeur ne plient sous aucun accident humain.

Enfin, elle est savante ; c’est un secret qu’on se dit dans sa société, car on n’a jamais vu en face cette science. Là, on s’aperçoit seulement qu’il y en a dans cet esprit. Vois où ce caractère parfait l’a conduite : elle est femme d’un homme qui a fait sa fortune dans la Révolution ; elle est parvenue à polir son mari ; il y a de la distinction à être de ses amis, de la vanité