Page:Stendhal - Correspondance, I.djvu/292

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notre vieillesse ; car il n’y a qu’une science toujours de mode, celle du cœur et de la tête. Tu as une âme ardente, donne-toi une bonne tête.

Lorsqu’on est dans sa famille et qu’on voit qu’on est plaint et compris par tout le monde, on s’abandonne au sentiment des moindres maux, on s’occupe à bien souffrir, au lieu de s’occuper à ne point souffrir ; on devient une madame Romagnier; à force de faire attention à ses maux (mo raux ou physiques) on finit par souffrir infiniment. C’est l’histoire du Français à qui on avait persuadé en Egypte que l’engourdissement était le symptôme de la peste ; le pauvre malheureux a été fou de peur pendant six mois, fou à lier. L’usage du monde, apprenant, qu’on n’in­téresse, en général, qu’autant qu’on donne du plaisir, fait qu’on cherche par soi-même à diminuer les douleurs.

Un enfant gâté est disposé à souffrir de tout ; un homme sage à souffrir le moins possible, et, en ne s’occupant pas de ses maux physiques, en prenant l’habitude de plaisanter de ses chagrins, il finit paï­en plaisanter avec lui-même seul dans sa chambre, pendant que l’enfant gâté san­glote.

Lis Saint-Simon, si tu peux ; lis Condil-lac, s’il ne t’ennuie pas ; Destutt est bien