Page:Stendhal - Correspondance, I.djvu/328

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Rien d'agréable à la longue que l'esprit naturel, celui qui est inventé â chaque ins­tant par un caractère aimable sur toutes les circonstances de la conversation. La raison en est bien simple, il donne une comédie de caractère dont le protago­niste est aimable. Voulez-vous donc avoir de l'esprit : travaillez votre caractère, chassez-en non seulement les vices, mais même les défauts, et dites ensuite dans chaque occasion tout ce que vous penserez.

Apprenez tous les esprits appris (les calembours par exemple) ; pratiquez-les deux mois pour avoir droit de les mépri­ser ensuite et n'être point ébloui. Voilà l'esprit de ce charmant Matta {Mémoires de Grammont, livre à lire) ; c'est dans ce sens que Ninon disait à un père dolent : « Votre fils ne sait rien ; tant mieux ! il ne citera pas ».

Adieu ; en récompense de ces beaux dietons, envoie-moi cent écus, tu me don­neras les moyens de voir plus souvent les personnes si aimables qui m'ont servi à tracer ce caractère, et dont je vais me séparer, hélas ! peut-être pour toujours. liai ! crudella morte !

Mais, hélas ! le ciel donne aux uns une âme sans richesses, aux autres des richesses sans âme, c'est ce qui fait qu'il y a tant de mélancolie et d'ennui au monde.