Page:Stendhal - Correspondance, I.djvu/54

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St-Réal. Peu à peu tu y prendras goût et tu finiras par dévorer l'histoire de France, qui est très intéressante par elle-même, et qui ne dégoûte que par la platitude et les préjugés de l'abbé Velly, de son sot continuateur Villaret et de Garnier¹ encore plus plat, s'il est possible, qu'eux tous.

Il faut accoutumer peu à peu ton esprit à sentir et à juger le beau, dans tous les genres. Tu y parviendras en lisant, d'abord, les ouvrages légers, agréables et courts. Tu liras ensuite ceux qui exigent plus d'instruction et qui supposent plus de capacité. Tu connais, sans doute, Télé-maque, la Jérusalem délivrée ; tu pourras lire Séthos2 qui, quoique ouvrage mé­diocre, te donnera une idée des mystères d'Isis, si célèbres dans toute l'antiquité, et de ce qu'était la navigation dans son enfance.

Je vois avec bien du plaisir que tu lis les tragédies de Voltaire. Tu dois te fami­liariser avec les chefs-d'œuvre de nos grands écrivains ; ils te formeront égale­ment l'esprit et le cœur. Je te conseille

1. Villaret et Garnier achevèrent l'Histoire de France de Velly.

2. Roman de l'abbé Terrasson, intitulé : Séthos, histoire des monuments de l'ancienne Egypte (1731). — Stendhal, trente-huit ans plus tard, écrivant La iel, se souvenait de ce livre et faisait lire Séthos à son héroïne.