Page:Stendhal - Correspondance, I.djvu/66

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Mais tout à coup, vous trouverez une femme auprès de qui toute votre assu­rance s'évanouira ; vous voudrez parler et les paroles expireront sur vos lèvres ; vous voudrez être aimable et vous ne direz que des choses communes. Alors, croyez-moi, mon cher Mounier, si l'ab­sence ne fait qu'augmenter votre passion, si les objets qui vous plaisaient le plus vous deviennent fades et ennuyeux, c'est en vain que vous voudriez vous en dé­fendre, vous êtes amoureux et pour la vie.

Rappelez-vous que vous m'avez promis franchise entière ; ne craignez pas ma sé­vérité.

Non ignara mali, miseris succurrere disco.

Vous voyez que je suis votre conseil et que je lis l'Enéide quelquefois ; aussi je quitte la tendre Didon pour des hommes plus modernes. Dans ce moment, par exemple, je viens de lire les Nouveaux tableaux de famille d'A. Lafontaine1. J'ai été vraiment charmé ; il y a là un Wahlen à qui vous porterez envie. Ce roman m'a un peu réconcilié avec les Allemands.

1. Auguste Lafontaine, romancier allemand, né à Bruns-wick, en 1756, d'une famille de réfugiés français, mort à Halle en 1831. Beyle le lisait encore en 1830, le cite et s'en inspire dans le Rouge et le Noir.