Page:Stendhal - Correspondance, I.djvu/75

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

29. — A

A SA SŒUR PAULINE

Paris, 11 Nivôse an XI. [Samedi, 1er Janvier 1803.]

Souvent, las d'être esclave et dee boire la lie
De ce calice amer que l'on nomme la vie,
Las du mépris des sots qui suit la pauvreté,
Je regarde la tombe, asile souhaité ;
Je souris à la mort volontaire et prochaine ;
Je me prie en pleurant d'oser rompre ma chaîne,
Et puis mon cœur s'écoute et s'ouvre à la faiblesse :
Mes parents, mes amis, l'avenir, ma jeunesse,
Mes écrits imparfaits ; car, à ses propres yeux,
L'homme sait se cacher d'un voile spécieux.
A quelque noir destin qu'elle soit asservie,
D'une étreinte invincible il embrasse la vie ;
Il va chercher bien loin, plutôt que de mourir,
Quelque prétexte ami, pour vivre et pour souffrir.
Il a souffert, il souffre : aveugle d'espérance,
Il se traîne au tombeau, de souffrance en souffrance
Et la mort, de nos maux le remède si doux,
Lui semble un nouveau mal, le plus cruel de tous !

NE sens-tu pas ces vers pénétrer dou-cement dans ton âme, s'y étendre et bientôt y régner ? Pour moi, ils me paraissent les plus touchants que j'aie encore lus dans aucune langue. Je voulais d'abord les copier pendant qu'ils me sont encore présents, pour te les envoyer dans