Page:Stendhal - Correspondance, I.djvu/91

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désir vif de ne pas manquer de pain sur leurs vieux jours ; plus ils ont cette crainte, plus ils travaillent ferme.

Sont-ils assurés de ne pas manquer de pain, ils veulent avoir une veste plus belle que celle de leur voisin, et d'un aussi beau drap que celle du maire du village ; mais, comme ils le désirent moins vivement qu'ils ne désiraient avoir du pain, ils travaillent moins bien ; de là tant de paysans qui parviennent à avoir deux journaux de terre et qui s'arrêtent là.

Quand tu verras un homme qui ne dé­sire plus rien vivement, sois sûre que la fortune ou la gloire de cet homme ne croîtra plus.

D'après ce principe, tu peux juger à Claix des paysans qui feront fortune.

Barnave et Mounier n'étaient que de petits avocats comme tous ceux de Gre­noble, et ils sont parvenus à la gloire. Sur quoi, je t'observerai que la gloire est beaucoup plus grande a Paris qu'à Grenoble parce que Grenoble est plein de leurs anciens confrères, qui pour la plu­part, sont jaloux d'eux.

Il y a une règle sure pour savoir si l'on est né pour la gloire : si l'on hait les gens supérieurs avec lesquels on vit, on sera toujours médiocre.

— Donc, un homme qui est jaloux de