Page:Stendhal - De l’amour, I, 1927, éd. Martineau.djvu/128

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suite à une amie[1], il fut le maître de mon cœur et de moi, et cela à un point qui m’eût remplie de terreur, si le bonheur de voir Herman m’eût laissé le temps de songer au reste de l’existence. Ma seule pensée était d’observer s’il m’accordait quelque attention.

« Aujourd’hui la seule consolation que je puisse trouver à mes fautes est de me bercer de l’illusion qu’une force supérieure m’a ravie à moi-même et à la raison. Je ne puis par aucune parole peindre, d’une manière qui approche de la réalité, jusqu’à quel point, seulement à l’apercevoir, allèrent le désordre et le bouleversement de tout mon être. Je rougis de penser avec quelle rapidité et quelle violence j’étais entraînée vers lui. Si sa première parole, quand enfin il me parla, eût été : M’adorez-vous ? en vérité je n’aurais pas eu la force de ne pas lui répondre : Oui. J’étais loin de penser que les effets d’un sentiment pussent être à la fois si subits et si peu prévus. Ce fut au point qu’un instant je crus être empoisonnée.

« Malheureusement vous et le monde, ma chère amie, savez que j’ai bien aimé Herman : eh bien, il me fut si cher au bout d’un quart d’heure, que depuis il n’a pas

  1. Traduit ad litteram des Mémoires de Bottmer.