Page:Stendhal - De l’amour, I, 1927, éd. Martineau.djvu/129

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pu me le devenir davantage. Je voyais tous ses défauts, et je les lui pardonnais tous, pourvu qu’il m’aimât.

« Peu après que j’eus dansé avec lui, le roi s’en alla ; Herman, qui était du détachement de service, fut obligé de le suivre. Avec lui tout disparut pour moi dans la nature. C’est en vain que j’essayerais de vous peindre l’excès de l’ennui dont je me sentis accablée dès que je ne le vis plus. Il n’était égalé que par la vivacité du désir que j’avais de me trouver seule avec moi-même.

« Je pus partir enfin. À peine fermée à double tour dans mon appartement je voulus résister à ma passion. Je crus y réussir. Ah ! ma chère amie, que je payai cher ce soir-là, et les journées suivantes, le plaisir de pouvoir me croire de la vertu ! »

Ce que l’on vient de lire est la narration exacte d’un événement qui fit la nouvelle du jour, car au bout d’un mois ou deux la pauvre Wilhelmine fut assez malheureuse pour qu’on s’aperçut de son sentiment. Telle fut l’origine de cette longue suite de malheurs qui l’ont fait périr si jeune, et d’une manière si tragique, empoisonnée par elle ou par son amant. Tout ce que nous pûmes voir dans ce jeune capitaine, c’est qu’il dansait fort bien ; il avait beaucoup de gaieté, encore plus