Page:Stendhal - De l’amour, I, 1927, éd. Martineau.djvu/149

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tout autre que ce mari[1]. C’est peut-être à cause d’une attention si délicate que les Anglais, gens d’esprit, laissent voir tant d’ennui de leur bonheur domestique. À eux la faute, pourquoi tant d’orgueil[2] ?

En revanche, passant tout à coup de Plymouth à Cadix et Séville, je trouvai qu’en Espagne la chaleur du climat et des passions faisait un peu trop oublier une retenue nécessaire. Je remarquai des caresses fort tendres qu’on se permettait en public, et qui, loin de me sembler touchantes, m’inspiraient un sentiment tout opposé. Rien n’est plus pénible.

Il faut s’attendre à trouver incalculable la force des habitudes inspirées aux femmes sous prétexte de pudeur. Une femme vulgaire, en outrant la pudeur, croit se faire l’égale d’une femme distinguée.

L’empire de la pudeur est tel qu’une femme tendre arrive à se trahir envers son amant plutôt par des faits que par des paroles.

La femme la plus jolie, la plus riche et la plus facile de Bologne, vient de me conter qu’hier soir, un fat français, qui est ici et qui donne une drôle d’idée de sa nation,

  1. Voir l’admirable peinture de ces mœurs ennuyeuses, à la fin de Corinne ; et Mme de Staël a flatté le portrait.
  2. La Bible et l’aristocratie se vengent cruellement sur les gens qui croient leur devoir tout.