Page:Stendhal - De l’amour, I, 1927, éd. Martineau.djvu/156

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les expose à se laisser un peu mener par leurs amies qui n’ont pas le même manque[1] à se reprocher. Elles donnent de l’attention à chaque cas particulier, au lieu de s’en remettre aveuglément à l’habitude. Leur pudeur délicate communique à leurs actions quelque chose de contraint ; à force de naturel, elles se donnent l’apparence de manquer de naturel ; mais cette gaucherie tient à la grâce céleste.

Si quelquefois leur familiarité ressemble à de la tendresse, c’est que ces âmes angéliques sont coquettes sans le savoir. Par paresse d’interrompre leur rêverie, pour s’éviter la peine de parler, et de trouver quelque chose d’agréable et de poli, et qui ne soit que poli, à dire à un ami, elles se mettent à s’appuyer tendrement sur son bras[2].

9o Ce qui fait que les femmes, quand elles se font auteurs, atteignent bien rarement au sublime, ce qui donne de la grâce à leurs moindres billets, c’est que jamais elles n’osent être franches qu’à demi : être franches serait pour elles comme sortir sans fichu. Rien de plus fréquent pour un homme que d’écrire absolument sous la dictée de son imagination, et sans savoir où il va.

  1. Mot de M…
  2. Vol. Guarna.