Page:Stendhal - De l’amour, I, 1927, éd. Martineau.djvu/160

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pectable par la vivacité de ses transports, ou par l’implacable ténacité avec laquelle elles maintiennent ses arrêts. Avant l’intimité, ces femmes-là se figurent, en voyant leur amant, qu’il a entrepris un siège contre elles. Leur imagination est employée à s’irriter de ses démarches qui, après tout, ne peuvent pas faire autrement que de marquer de l’amour, puisqu’il aime. Au lieu de jouir des sentiments de l’homme qu’elles préfèrent, elles se piquent de vanité à son égard ; et enfin, avec l’âme la plus tendre, lorsque sa sensibilité n’est pas fixée sur un seul objet, dès qu’elles aiment, comme une coquette vulgaire, elles n’ont plus que de la vanité.

Une femme à caractère généreux sacrifiera mille fois sa vie pour son amant, et se brouillera à jamais avec lui pour une querelle d’orgueil, à propos d’une porte ouverte ou fermée. C’est là leur point d’honneur. Napoléon s’est bien perdu pour ne pas céder un village.

J’ai vu une querelle de cette espèce durer plus d’un an. Une femme très distinguée sacrifiait tout son bonheur plutôt que de mettre son amant dans le cas de pouvoir former le moindre doute sur la magnanimité de son orgueil. Le raccommodement fut l’effet du hasard, et chez mon amie, d’un moment de faiblesse qu’elle ne put vaincre,