Page:Stendhal - De l’amour, I, 1927, éd. Martineau.djvu/174

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reuses, tantôt désespérantes, mais toujours sublimes, et la rend complètement insensible à tout le reste de ce qui existe. Je ne sais comment exprimer ce que je vois si bien ; je n’ai jamais senti plus péniblement le manque de talent. Comment rendre sensible la simplicité de gestes et de caractères, le profond sérieux, le regard peignant si juste, et avec tant de candeur, la nuance du sentiment, et surtout, j’y reviens, cette inexprimable noncurance pour tout ce qui n’est pas la femme qu’on aime ? Un non ou un oui dit par un homme qui aime a une onction que l’on ne trouve point ailleurs, que l’on ne trouvait point chez cet homme en d’autres temps. Ce matin (3 août), j’ai passé à cheval, sur les neuf heures, devant le joli jardin anglais du marquis Zampieri, placé sur les dernières ondulations de ces collines couronnées de grands arbres contre lesquelles Bologne est adossée, et desquelles on jouit d’une si belle vue de cette riche et verdoyante Lombardie, le plus beau pays du monde. Dans un bosquet de lauriers du jardin Zampieri qui domine le chemin que je suivais et qui conduit à la cascade du Reno à Casa-Lecchio, j’ai vu le comte Delfante ; il rêvait profondément, et quoique nous ayons passé la soirée ensemble jusqu’à deux heures après minuit,