Page:Stendhal - De l’amour, I, 1927, éd. Martineau.djvu/192

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Mortimer fut heureux, mais Jenny fut infidèle. Je lui soutiens que Jenny ne l’a jamais aimé ; il me cite comme preuve de son amour la manière dont elle le reçut à son retour du continent, mais jamais il n’a pu me donner le moindre détail. Seulement il tressaille visiblement dès qu’il voit un buisson d’acacia ; c’est réellement le seul souvenir distinct qu’il avait conservé du moment le plus heureux de sa vie[1].

Un homme sensible et franc, un ancien chevalier me faisait confidence ce soir (au fond de notre barque battue par un gros temps sur le lac de Garde[2]), de l’histoire de ses amours, dont à mon tour je ne ferai pas confidence au public, mais de laquelle je me crois en droit de conclure que le moment de l’intimité est comme ces belles journées du mois de mai, une époque délicate pour les plus belles fleurs, un moment qui peut être fatal et flétrir en un instant les plus belles espérances.

  1. Vie de Haydn, page 228.
  2. 20 septembre 1811.
  3. « À la première querelle, madame Ivernetta donna son congé au pauvre Bariac. Bariac était véritablement amoureux, ce congé le désespéra ; mais son ami Guillaume Balaon, dont nous écrivons la vie, lui fut d’un grand secours, et fit si bien qu’il apaisa la sévère Ivernetta. La paix se fit, et la réconciliation fut accompagnée de circonstances si délicieuses que Bariac jura à Balaon que le moment des premières faveurs qu’il avait obtenu de sa maîtresse n’avait pas été si doux que celui de ce voluptueux raccommodement. Ce discours tourna la tête à Balaon, il voulut éprouver ce plaisir que son ami venait de lui décrire, etc., etc. » Vie de quelques troubadours, par Nivernois, tome 1, page 32.