Page:Stendhal - De l’amour, I, 1927, éd. Martineau.djvu/193

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On ne saurait trop louer le naturel. C’est la seule coquetterie permise dans une chose aussi sérieuse que l’amour à la Werther, où l’on ne sait pas où l’on va ; et en même temps, par un hasard heureux pour la vertu, c’est le meilleure tactique. Sans s’en douter, un homme vraiment touché dit des choses charmantes, il parle une langue qu’il ne sait pas.

Malheur à l’homme le moins du monde affecté ! Même quand il aimerait, même avec tout l’esprit possible, il perd les trois quarts de ses avantages. Se laisse-t-on aller un instant à l’affectation, une minute après, l’on a un moment de sécheresse.

Tout l’art d’aimer se réduit, ce me semble, à dire exactement ce que le degré d’ivresse du moment comporte, c’est-à-dire, en d’autres termes, à écouter son âme. Il ne faut pas croire que cela soit si facile ; un homme qui aime vraiment, quand son amie lui dit des choses qui le rendent heureux, n’a plus la force de parler.

Il perd ainsi les actions qu’auraient fait naître ses paroles[1], et il vaut mieux se

  1. C’est ce genre de timidité qui est décisif, et qui prouve un amour-passion dans un homme d’esprit.