Page:Stendhal - De l’amour, I, 1927, éd. Martineau.djvu/195

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en général entreprendre des discours propres à faire naître cette ivresse favorable à l’amour ; et si, après les deux ou trois premières phases d’exposition, l’on ne manque pas l’occasion de dire exactement ce que l’âme suggère, on donnera des plaisirs vifs à ce qu’on aime. L’erreur de la plupart des hommes, c’est qu’ils veulent arriver à dire telle chose qu’ils trouvent jolie, spirituelle, touchante ; au lieu de détendre leur âme de l’empesé du monde, jusqu’à ce degré d’intimité et de naturel d’exprimer naïvement ce qu’elle sent dans le moment. Si l’on a ce courage, l’on recevra à l’instant sa récompense par une espèce de raccommodement.

C’est cette récompense aussi rapide qu’involontaire des plaisirs que l’on donne à ce qu’on aime, qui met cette passion si fort au-dessus des autres.

S’il y a le naturel parfait, le bonheur de deux individus arrive à être confondu[1]. À cause de la sympathie et de plusieurs autres lois de notre nature, c’est tout simplement le plus grand bonheur qui puisse exister.

Il n’est rien moins que facile de déterminer le sens de cette parole naturel, condition nécessaire du bonheur par l’amour.

On appelle naturel ce qui ne s’écarte pas

  1. À se placer exactement dans les mêmes actions.